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Propos introductif du colloque annuel de l'Association française de droit administratif (AFDA) à Brest, 5 juin 2025

  • Photo du rédacteur: Tristan Foveau
    Tristan Foveau
  • 5 juin
  • 5 min de lecture



Madame la Vice-Présidente de l’AFDA,


Monsieur le doyen de la faculté de droit,


Mesdames et Messieurs les professeurs,


Mesdames et Messieurs, Chers amis,


C’est avec un plaisir sincère – et je l’avoue, un peu d’émotion – que je vous souhaite la bienvenue à Brest, au nom de François Cuillandre et de l’équipe municipale que je représente en ma qualité d’adjoint au maire.


C’est un honneur pour notre ville d’accueillir pour la toute première fois ce colloque de l’Association française de droit administratif.


Un honneur, mais aussi, je crois, un signe : le signe que Brest est désormais reconnue non seulement comme une ville ouverte sur les sciences de la mer, mais aussi sur la science en général, sur le débat intellectuel, sur la rigueur conceptuelle, et en particulier, c’est ce qui nous réunit aujourd’hui, sur la recherche juridique.


Brest a longtemps été à l’écart des grands centres de production universitaire, mais elle affirme aujourd’hui sa place comme une ville de recherche, de pensée, de controverse scientifique. Et l’accueil de ce colloque souligne le travail patient mené depuis des années au sein de la faculté de droit de l’UBO, que je veux saluer ici. Un travail de fond, discret souvent, mais décisif dans la construction d’une identité académique ancrée dans le territoire.


J’en veux pour exemple, et je tiens à le signaler et à le saluer, l’excellent dictionnaire de l'actualité internationale, ouvrage collectif dirigé par le professeur Valère NDior et auquel ont contribué plusieurs universitaires bretons aux côtés d’une centaine de spécialistes français et internationaux, et dont la 2e édition est parue tout récemment.


Je tiens également à adresser des remerciements particuliers au doyen Mickaël Lavaine et à toute l’équipe de la faculté, dont l’engagement a permis à Brest de figurer aujourd’hui pleinement dans les itinéraires intellectuels du droit administratif. Je salue madame la vice-présidente de l’AFDA, la professeure Anne-Laure Girard, qui représente la Présidente, pour la confiance accordée à notre ville, et je souhaite la bienvenue à toutes celles et tous ceux qui ont fait le déplacement pour ces deux journées de réflexion et de débat.

Je pourrais m’arrêter là, et me contenter d’un mot d’accueil protocolaire. Mais l’occasion est trop belle.


Car si je me trouve devant vous aujourd’hui en tant qu’élu local, je ne me sens pas complètement un intrus dans ce colloque. Avant de siéger au conseil municipal, j’ai siégé dans des amphithéâtres de droit.


J’ai fait mes premières armes à l’Université de Rennes - j’espère que les Brestois me pardonneront cette infidélité - puis à Lille au sein d’un Master de droit administratif général où j’ai longtemps hésité entre la voie professionnelle et la recherche.


A défaut de choisir, j’ai obtenu le barreau en même temps que je m’inscrivais en thèse de droit public, sous la direction du professeur Bertrand Warusfel, sur un sujet qui, à l’époque, était un peu marginal : « Le cadre juridique des activités de renseignement ». C’était après avoir modestement participé aux travaux sur la loi renseignement de 2015 avec un illustre professeur de l’UBO alors président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale.


Et d’ailleurs ce qui était alors perçu comme un sujet marginal est depuis devenu, en l’espace de quelques années, un terrain juridique à part entière. Comme quoi, même les zones grises peuvent avoir leur place dans la lumière du droit et les sujets en marge finissent parfois au centre.


Mais la politique a fini par l’emporter sur la thèse, que j’ai suspendue à durée indéterminée pour rejoindre le cabinet du président de la commission des Lois devenu entre-temps Garde des Sceaux. Et j’ai finalement donné corps à la phrase de Coluche : « 5 ans de droit et tout le reste de travers ».


Je ne suis pas sûr que la science ait perdu un chercheur, mais je sais que l’élu que je suis devenu n’a jamais vraiment cessé d’être juriste.


Et c’est cela qui me frappe aujourd’hui : cette formation en droit administratif continue à irriguer mes fonctions. Elle m’a appris à penser l’État, ses formes, ses outils, ses silences aussi. Elle m’a appris qu’un régime juridique n’est jamais neutre, qu’un pouvoir réglementaire dit toujours quelque chose de notre société, et qu’une norme, même obscure, est une forme de discours sur le monde.


Le droit administratif, ce n’est pas pour moi juste un souvenir de jeunesse. C’est un outil quotidien. Un langage de gouvernement. Un levier d’action. Un cadre, bien sûr, mais aussi – et surtout – une manière de penser l’action publique.


En somme, le droit administratif n’est pas seulement une technique, il est bien une science sociale. Pas une science dure, bien sûr. Mais une science de l’institution, de la norme, du pouvoir et de sa légitimité. Une science de ce que l’État peut, mais aussi de ce qu’il doit. Une science du seuil, du compromis, du contrôle – et parfois, de la limite salutaire.

C’est ce que rappelle le thème de votre colloque. Car nous vivons une époque où la science irrigue l’action publique de manière inédite : les modèles épidémiologiques, les scénarios climatiques, les matrices économiques s’imposent comme grilles de lecture pour justifier les choix politiques.


Dans les collectivités comme ailleurs nous sommes sommés d’agir vite, efficacement, en nous fondant sur des expertises venues d’autres disciplines : l’économie, l’écologie, la sociologie, ... Et dans ce maelstrom de savoirs, le droit administratif ne recule pas : il s’adapte, il interroge, il résiste aussi.


Car il n’est pas un simple traducteur des sciences dites « dures » dans l’univers normatif. Il est une science critique, qui conserve sa capacité d’analyse autonome.


Et c’est en cela qu’il reste, pour les collectivités comme pour l’État, une boussole qui permet de garder une direction dans la complexité du monde. Il n’est pas un outil de gestion, il est une pensée de l’action qui prend au sérieux la question du pouvoir et de ses limites.


À Brest, nous nous posons ces questions chaque jour. Dans notre politique sociale, dans nos projets d’aménagement, dans nos arbitrages budgétaires, dans nos dispositifs d’inclusion, nous mobilisons le droit. Et nous savons que cette mobilisation ne va jamais de soi. Mais nous savons aussi que derrière chaque acte administratif, il y a une vision du monde, une certaine idée du service public, une certaine idée de l’intérêt général.


Et c’est pourquoi ce colloque est précieux. Il ne se contente pas d’analyser des normes : il explore ce qu’elles disent de nous. Il montre que le droit administratif n’est pas figé, mais en dialogue constant avec d’autres sciences, d’autres disciplines, d’autres pratiques. Il rappelle que cette science est vivante, débattue, traversée de tensions – et donc profondément actuelle.


Alors, merci. Merci d’avoir choisi Brest. Merci de faire résonner dans cette ville ces voix du droit administratif. Merci de contribuer à renforcer le lien entre pensée juridique et action publique, entre recherche et territoire.


Je vous souhaite de très riches échanges et un excellent séjour dans notre ville – une ville de science et de droit.


Bienvenue à Brest.

 
 
 

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