Intervention en introduction de la séance plénière du Conseil départemental du Finistère du 17 octobre 2024
- Tristan Foveau
- 17 oct. 2024
- 7 min de lecture

Un mot d’abord pour vous dire l’honneur et le plaisir qui sont les miens de siéger sur ces bancs. Je crois qu’un parcours est fait de choix et de circonstances. Et si personne n’a de pouvoir sur les circonstances, chacun en a sur ses choix.
Et en faisant le choix de m’engager en 2021 sur le canton de Brest-5 derrière Frédérique Bonnard et Hosny Trabelsi, j’assumais évidemment l’éventualité que les circonstances m’amènent à siéger dans cet hémicycle.
J’ai donc pleine conscience de la responsabilité qui est la mienne en siégeant à vos côtés.
Je sais que nous partageons au moins deux choses, c’est d’abord l’intérêt supérieur de ce département où tout commence ainsi qu’une forme de front commun face à l’adversité et face aux crises, conscients que nos collectivités territoriales sont le dernier rempart face aux désengagements de l’État et face aux crises.
Alors je siège sur ces bancs pour représenter un canton, celui des quartiers de Saint-Marc et de l’Europe, où je vis et où je suis né il y a 34 ans à Brest. Je siège sur ces bancs pour représenter une métropole vivante et dynamique qui est depuis de nombreuses années un moteur pour l’Ouest breton sous l’impulsion de François Cuillandre.
Mais je siège également sur ces bancs comme représentant dans le Finistère d’un courant de pensée ancien et d’une vieille famille politique, le parti socialiste. Une famille politique qui dirige certaines des villes les plus importantes de ce département, qui est représentée au Sénat et à l’Assemblée et qui dirige le conseil régional avec Loïg Chesnais-Girard.
Une famille politique qui a également très longtemps dirigé ce département sous les présidences de Pierre Maille de Nathalie Sarabezolles et qui a vocation à le diriger à nouveau, avec le reste de la gauche présente pour l’instant sur les bancs de l’opposition.
Une opposition de gauche qui assume pleinement ce qu’elle est, qui assume son rôle depuis 2021, malgré vos injonctions à ce qu’elle se taise, et qui va continuer de l’assumer. Parce que, si j’évoquais ce qui nous rassemble, il y a évidemment beaucoup qui nous sépare. Je vais y venir tout de suite.
Mais avant cela, un dernier mot simplement pour saluer et remercier les agents de la collectivité qui ont assuré mon arrivée dans les meilleures conditions et qui conduisent dans cette belle maison une mission de service public absolument indispensable. Qu’ils en soient remerciés.
Je suis saisi de deux sentiments contradictoires alors que nous ouvrons cette séance plénière.
J’ai d’abord des sueurs froides à l’écoute des annonces budgétaires qui ont été faites par vos amis qui conduisent de façon précaire et temporaire les affaires du pays sous le regard bienveillant de l’extrême-droite.
Car le budget proposé par votre ami Michel Barnier Monsieur le Président est, à l’image de ce gouvernement, l’un des plus brutal de l’histoire de la Ve République.
Nous connaissons parfaitement la situation budgétaire, elle est « beaucoup plus dégradée que cela a été dit » comme l’a dit le Premier ministre. Nous alertons depuis des années sur les choix et les prévisions d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire, un autre de vos amis d’ailleurs, je crois même que dans une autre vie vous l’aviez soutenu à la présidence de l’UMP. C’est de ce triste bilan dont hérite Michel Barnier aujourd’hui et dont vous êtes également comptable Monsieur le président.
Et ce triste bilan pose en creux la question de savoir où résident désormais vos fidélités.
Car la situation budgétaire de la France est la conséquence de la faute originelle d’Emmanuel Macron en 2017 et répétée ensuite par idéologie, idéologie que vous avez partagée à chaque étape de votre parcours politique : offrir des cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises et appauvrir l’État en réduisant les recettes fiscales, comme l’a fait Emmanuel Macron à hauteur de plus de 50 milliards par an, avec la suppression massive d’impôts pour les plus fortunés.
En misant exclusivement sur une politique de l’offre, les gouvernements successifs, de Gabriel Attal à Edouard Philippe, un autre de vos amis je crois, ont généré un effet récessif indirect qui s’est ajouté à l’impact direct des baisses de recettes fiscales.
Pour ma part je refuse que ces choix idéologiques soient payés par celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, par les classes populaires et moyennes, par les petites et moyennes entreprises et par les collectivités. En tant que modeste maire de quartier à Brest, je refuse que ces choix idéologiques soient payés par les centres sociaux de nos quartiers qui n’ont plus aucune certitude sur le maintien de leurs subventions. Je pense aux salariés du centre social Horizons à Pontanézen ou aux bénévoles du centre social de Pen ar Créach qui ne ménagent pas leur peine pour maintenir le lien social dans des conditions parfois difficiles.
En réalité, sous couvert de rationalisation budgétaire, c’est bel et bien un désarmement fiscal organisé qui a été mis en œuvre et qui va se poursuivre. C’est un choix politique.
Supprimer 2000 postes d’enseignants mais préserver le service national universel, c’est un choix politique.
Faire cotiser d’avantage les apprentis mais pas les gros patrimoines, c’est un choix politique.
Taxer plus l’électricité pour les ménages mais pas le kérosène, c’est un choix politique.
Reporter l'indexation des pensions de retraites sur l'inflation, c’est un choix politique.
Sacrifier la santé, la solidarité, l’avenir, ce sont des choix politiques. Sacrifier les collectivités territoriales également. Je vais y revenir.
Nous assistons en définitive à l’échec de la politique du ruissellement : le taux de pauvreté est à son plus haut historique, tout comme le déficit public et le déficit commercial.
Mais Monsieur le président, d’autres choix sont encore possibles pour vos amis afin de lutter contre un déficit qui est d’abord un déficit de recettes :
Supprimer les niches fiscales inefficaces, mettre fin aux exonérations patronales au-dessus de 2 SMIC, recentrer le crédit impôt recherche, rétablir l’ISF, réformer l’exit tax, supprimer la flat tax, taxer les profits et les super-dividendes, taxer les transactions financières, rétablir la CVAE de façon progressive pour redonner des capacités fiscales aux collectivités locales…
Tout cela, ce sont des choix politiques que vous pourriez inciter vos amis à faire et qui permettraient de faire face à la situation budgétaire du pays sans hausse d’impôt sur les classes moyennes et populaires.
Nous savons que ce n’est pas ce chemin qui sera poursuivi. Vos amis préfèrent réaliser 40 Milliards d’euros de coupes sombres dans les dépenses publiques et mettre les collectivités territoriales à contribution à hauteur de 8 à 10 milliards d’euros.
Je vous disais au début de mon propos que j’étais saisi de deux sentiments contradictoires Monsieur le Président, c’est parce que j’ai lu avec un réel plaisir dans la presse que vous preniez vos distances avec vos amis, assez fermement d’ailleurs. Je n’aurais peut-être même pas osé aller aussi loin que vous et certains de vos élus s’en sont émus. Je les comprends, vous ne les aviez pas habitués à vous rebeller contre un pouvoir qui ne fait qu’appliquer ce que vous avez longtemps prôné. Mais enfin, j’ai vu également qu’ils avaient été rapidement rappelés à l’ordre.
Vous faites donc la démonstration que vous êtes un homme ferme mais capable d’évoluer, d’évoluer rapidement parfois. Ce sont des qualités.
On ne vous tiendra pas rigueur pour notre part de ne pas avoir réalisé que Michel Barnier était un homme de droite au moment où vous avez salué sa nomination comme premier ministre, il y a à peine plus d’un mois. Mais cela pose encore une fois Monsieur le Président la question de votre cohérence et de vos fidélités successives.
En 2016, Monsieur le Président, un jeune conseiller départemental du Finistère s’interrogeait dans le journal L’Opinion : « La politique de l’offre a-t-elle échoué en France ? ».
Il considérait alors que ce n’était pas la politique de l’offre qui avait échoué mais François Hollande « Probablement en raison d’un degré d’incertitude qui paralyse les entreprises », je le cite, ajoutant qu’il fallait « poursuivre et amplifier » cette politique de l’offre et que « Si la droite revenue au pouvoir amplifiait la politique engagée, simplifiait les dispositifs existants, et stabilisait ensuite sa politique fiscale pour cinq ans, le redressement économique de la France serait spectaculaire. ».
Tous les souhaits de ce jeune conseiller départemental ont été exaucés : la droite est revenue au pouvoir en 2017, une politique exclusivement basée sur l’offre est à l’œuvre depuis, au détriment de la demande, tous les signaux ont été envoyés aux agents économiques. Et on en mesure aujourd’hui le résultat : l’effondrement économique de la France est spectaculaire. Ce jeune conseiller départemental c’était vous Monsieur le Président.
Mais vous avez manifestement là aussi changé de fidélité comme vous avez changé de fidélité sur la question sensible de la suppression des départements, échelon de trop qui coûte une fortune et qui doit disparaitre, c’est vous qui le disiez en 2014.
La vérité, monsieur le président, c’est que l’idéologie qui guide les actes du gouvernement a toujours été la vôtre et est encore la vôtre, nationalement comme dans le département. Vous le confirmez encore hier dans votre tribune au Télégramme, dans laquelle vous oubliez d’ailleurs une cause au déficit public, pourtant largement pointée du doigt dans le débat public, c’est le recours aux cabinets de conseil qui a coûté plus de 800 millions d’euros aux finances publiques rien qu’en 2021. Une autre de vos nombreuses fidélités.
Bref, cette idéologie a des conséquences pour le pays mais aussi dans notre département, dans nos villes, dans nos quartiers, et pour le tissu social finistérien, j’ai une pensée en particulier pour la situation de l’association Don Bosco qui fait les frais de cette politique, ou pour le dossier du collège Diwan du Relecq-Kerhuon qui ne trouve pas de débouché à ce stade si j’en crois la presse.
En définitive et j’en resterai là, je crois que la vérité est assez simple : comme beaucoup d’autres depuis 2017, classes moyennes et populaires, travailleurs de la 1ère ligne, premiers de corvée, chômeurs, retraités… vous faites tout simplement Monsieur le Président l’amère expérience de vous retrouver du mauvais côté de décisions injustes et irresponsables. Vous faites l’amère expérience d’être du mauvais côté du manche.
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